Voyage au coeur de la Souffrance, partie I
Posted: 10 May 2007, 04:39
C'est en regardant les ombres réagir de leur propre chef autour de lui qu'il avait compris que l'idée n'avait peut-être pas été si bonne. Les ombres autour de lui avaient la fâcheuse manie de déceler ses plus profondes envies et de les dépeindre à la vue de tous, un phénomène sur lequel il n'avait qu'un minimum de contrôle. Pour l'instant, les ombres semblaient paniqués par l'idée que leur maître avait.
Assis très droitement sur une pierre, sur l'un des plus hauts plateaux de la région de Midgard, l'Hibernien respirait l'air embrumé de la région sauvage. Il avait préparé le voyage peu de temps avant, et ne savait pas combien de temps il lui faudrait pour en revenir. Un voyage dans le monde des esprits n'avait jamais été chose sûre, loin de là, et tous n'avaient pas le don -ou le droit- de faire une telle expédition.
Sa méthode était simple. Forcer les esprits de l'ombre à lui ouvrir un passage. Comme toute l'ombre -y compris ses esprits- n'avaient aucun choix sauf celui de lui obéir au doigt et à l'oeil (un don unique manifesté depuis toujours), il avait pu faire en sorte, à quelques reprises déjà, de forcer un passage vers l'au-délà. Cela lui demandait un effort considérable, duquel il ne prenait généralement pas trop de temps à récupérer.
Il attendit la tombée de la nuit pour de meilleurs résultats. Les esprits de l'ombre y étant largement plus nombreux, il ne mit pas beaucoup de temps avant de les rassembler, et de les forcer à ouvrir une brèche suffisamment grande, pour qu'il puisse passer. Aussitôt traversée, la brèche se faisait refermer par de petits vers, représentants mineurs de la Stabilité, qui s'assurèrent de bien refaire la toile -en apparence si fragile- qui sépare les deux mondes.
L'elfe secoua un peu la tête, qu'il sentait un peu lourde. Il regarda autour de lui. Une brume épaisse qui lui bloquait la vision à plus de cinq mètres régnait, et pourtant il savait qu'il était observé par des dizaines d'êtres conscients ou inconscients, et sans qu'il le contrôle réellement, le sentiment de paranoia commençait déjà à le ronger. La torche qu'il avait mise dans ses vêtements avant la traversée était bien restée là. Les quelques enseignements de son illustre et vénérable mentor lui avaient servi: la torche, par sa volonté s'alluma instantanément lorsque l'elfe le voulut. Cela fonctionnait dans ce monde... simplement parce que c'était le rôle d'une torche que d'être allumée et d'éclairer, et que les évidences d'un monde sont la réalité d'un autre.
Il marcha longuement sur une route de terre, dans la brume, torche à la main. Les esprits de la forêt environnante ne voudraient pas l'attaquer à cause de la torche: un esprit de feu, par défaut. Pas un son ne pouvait se faire entendre, et c'était assourdissant pour l'elfe qui avait l'habitude d'avoir une excellente ouïe. Il se sentit perdre pied souvent, mais il osait ralentir le pas lorsqu'il le fallait. Il savait que s'il ne prenait pas les précautions nécessaires, il n'en reviendrait pas.
La brume s'écarta soudainement pour laisser place à une plaine dévastée, sur laquelle se battaient sans cesse et sans relâche des formes et des sonorités dont les caractéristiques ne semblaient pas exactement fixes. L'elfe, un peu chamboulé par ce paysage, jeta un oeil sur le champs de bataille pour mieux comprendre. Des petits êtres de fumée noire et blanche semblaient être aux prises contre des oiseaux de flammes gazeuses. Par la force de leur volonté, les esprits se faisaient désintégrer les uns après les autres, mais les plaines emplies d'esprits ne semblaient pas se vider. À mesure que la forêt, au loin, approchait d'elle-même sans que l'on ait besoin d'y marcher, les armées des deux côtés avaient souffert suffisamment de pertes pour que les survivants s'évaporent de leur propre volonté dans l'air, restaurant ainsi l'air que l'elfe, un peu paniqué, n'avait pas respiré depuis son arrivée dans la bataille.
Il avait été chanceux, il n'avait pas été touché par la bataille qui avait formé des cratères immenses sur la plaine, ainsi que laissé de la fumée corrosive et des flammes purgatrices à sa surface. Le ciel, vide, parsemé d'air jaune et de longues comètes violettes, fendait les quelques esprits tenaces qui tentaient d'y planer.
Décidément, Asmodée ne se ferait jamais au monde des esprits.
Assis très droitement sur une pierre, sur l'un des plus hauts plateaux de la région de Midgard, l'Hibernien respirait l'air embrumé de la région sauvage. Il avait préparé le voyage peu de temps avant, et ne savait pas combien de temps il lui faudrait pour en revenir. Un voyage dans le monde des esprits n'avait jamais été chose sûre, loin de là, et tous n'avaient pas le don -ou le droit- de faire une telle expédition.
Sa méthode était simple. Forcer les esprits de l'ombre à lui ouvrir un passage. Comme toute l'ombre -y compris ses esprits- n'avaient aucun choix sauf celui de lui obéir au doigt et à l'oeil (un don unique manifesté depuis toujours), il avait pu faire en sorte, à quelques reprises déjà, de forcer un passage vers l'au-délà. Cela lui demandait un effort considérable, duquel il ne prenait généralement pas trop de temps à récupérer.
Il attendit la tombée de la nuit pour de meilleurs résultats. Les esprits de l'ombre y étant largement plus nombreux, il ne mit pas beaucoup de temps avant de les rassembler, et de les forcer à ouvrir une brèche suffisamment grande, pour qu'il puisse passer. Aussitôt traversée, la brèche se faisait refermer par de petits vers, représentants mineurs de la Stabilité, qui s'assurèrent de bien refaire la toile -en apparence si fragile- qui sépare les deux mondes.
L'elfe secoua un peu la tête, qu'il sentait un peu lourde. Il regarda autour de lui. Une brume épaisse qui lui bloquait la vision à plus de cinq mètres régnait, et pourtant il savait qu'il était observé par des dizaines d'êtres conscients ou inconscients, et sans qu'il le contrôle réellement, le sentiment de paranoia commençait déjà à le ronger. La torche qu'il avait mise dans ses vêtements avant la traversée était bien restée là. Les quelques enseignements de son illustre et vénérable mentor lui avaient servi: la torche, par sa volonté s'alluma instantanément lorsque l'elfe le voulut. Cela fonctionnait dans ce monde... simplement parce que c'était le rôle d'une torche que d'être allumée et d'éclairer, et que les évidences d'un monde sont la réalité d'un autre.
Il marcha longuement sur une route de terre, dans la brume, torche à la main. Les esprits de la forêt environnante ne voudraient pas l'attaquer à cause de la torche: un esprit de feu, par défaut. Pas un son ne pouvait se faire entendre, et c'était assourdissant pour l'elfe qui avait l'habitude d'avoir une excellente ouïe. Il se sentit perdre pied souvent, mais il osait ralentir le pas lorsqu'il le fallait. Il savait que s'il ne prenait pas les précautions nécessaires, il n'en reviendrait pas.
La brume s'écarta soudainement pour laisser place à une plaine dévastée, sur laquelle se battaient sans cesse et sans relâche des formes et des sonorités dont les caractéristiques ne semblaient pas exactement fixes. L'elfe, un peu chamboulé par ce paysage, jeta un oeil sur le champs de bataille pour mieux comprendre. Des petits êtres de fumée noire et blanche semblaient être aux prises contre des oiseaux de flammes gazeuses. Par la force de leur volonté, les esprits se faisaient désintégrer les uns après les autres, mais les plaines emplies d'esprits ne semblaient pas se vider. À mesure que la forêt, au loin, approchait d'elle-même sans que l'on ait besoin d'y marcher, les armées des deux côtés avaient souffert suffisamment de pertes pour que les survivants s'évaporent de leur propre volonté dans l'air, restaurant ainsi l'air que l'elfe, un peu paniqué, n'avait pas respiré depuis son arrivée dans la bataille.
Il avait été chanceux, il n'avait pas été touché par la bataille qui avait formé des cratères immenses sur la plaine, ainsi que laissé de la fumée corrosive et des flammes purgatrices à sa surface. Le ciel, vide, parsemé d'air jaune et de longues comètes violettes, fendait les quelques esprits tenaces qui tentaient d'y planer.
Décidément, Asmodée ne se ferait jamais au monde des esprits.