La noblesse grondait, les pertes étaient incalculables et tous avaient cette impression d’inutilité, comme un énorme gaspillage sans intérêts premiers.
Voilà des mois que les hommes n’avaient ni terres, ni points d’attaches, devant s’organiser comme des nomades. Se réduire au vagabondage, eux qui normalement se sentaient si à l’aise avec quelques arpents de terres sous leurs pieds, c’était tout simplement incompatible.
« Les Croisés, l’Empire, nous avaient promis des terres, qu’avons-nous reçus ? Le sang et l’infamie » avançaient les partisans de la cession. Jouant de tout leur poids pour contraindre à un départ du continent, ils se sentaient dépassés par les événements. « Pouvons nous laisser des villages, aux mains de ces Légionaires qui peu encore organisaient massacres sur massacres ? » Rétorquaient les partisans de la guerre à outrance, des nostalgiques ou des traumatisés qui avaient connus les génocides Lucifériens et de la politique d’extermination pour les contrer.
Des débats houleux, et toujours ce sentiment, celui d’être incompris, voir trahis. Cette question, celle de s’imposer ou de se retirer au sein d’un monde qu’ils ne comprenaient pas. Face à cette vague, le communautarisme s’effaçant s’étaient ravivé. On ne parlait plus que la langue, craignait les inconnus, se méfiant toujours et ne faisant confiance qu’à ses proches. Pourtant, les regards se braquaient sur les Chevaliers déchus, s’activant, s’organisant allant jusqu’à montrer l’exemple aux découragés en les entrainants dans leur lutte.
Ils venaient de cueillir un fruit inconnu et en rependaient les semences. Celui des idées et de l’espoir, que les Oréthorniens avaient depuis fort longtemps oublié.
La stratégie est la science de l’emploi du temps et de l’espace. Je suis, pour mon compte, moins avare de l’espace que du temps : pour l’espace, nous pouvons toujours le regagner. Le temps perdu, jamais.
« L’automne »
I : Premières feuilles.
Comme des fruits trop murs, les cadavres jonchaient le sol un vilain rictus sur le visage. Les Chevaliers Déchus rodent accompagnés de quelques Oréthorniens, cherchant dans les tranchées et buissons les corps de leurs amis tombés. Une grande faux les avaient arrachés à la vie et cela à l’apogée de leurs âges. Aux pieds de la femme, un gémissement « C’est un Oréthornien, donne lui la main » dit-elle à son voisin, sauvant par ce geste un des rares rescapés.
Le retour par navire est long, pénible. L’odeur de mort accroche encore aux vêtements, et le peu de vie restant fane, s’écoulant du corps du dernier soldat resté. Elle l’observe avec un regard nouveau, comme s’il s’agissait d’un semblable. Un sentiment s’esquisse petit à petit, la compassion. Il ne s’agit plus d’un employeur, mais d’un des leurs.
Retour au camp, les visages sont graves. Beaucoup ne portent pas l’écusson et se vétissent plus de vert mais de noir. C’est ainsi qu’ils font la désormais la guerre. Métamorphosés de par la pénible saison, ils ne sont reconnaissable qu’aux accents de leur langue.
Sous la tente du haut commandement, le débat est vif. Les nouvelles arrivent en vitesse et s’entassent. L’impression demeure, un gout amer en bouche, inspirant l’unique sentiment, quand tous viennent à disparaître. Désireuse de rejeter cette fatalité, las, elle se retire pour venir s’adosser à un grand chaine noirci et sans ramages. Un confrère vient l’y rejoindre lui prononcer quelques mots.
