[BG] Tyraël

L'histoire d'Amtenaël
Elfae
Faux Dieu
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[BG] Tyraël

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Dans la nuit, un Valkyn s'interroge.
Seul dans les ténèbres. Exilé, loin des miens. Chassé hors de la horde. Pourquoi ?
Le Valkyn fait claquer ses mâchoires.
Seul, toujours seul. Pourquoi m'ont-ils chassé ?
Le Valkyn porte la main à son œil droit.
Crevé. Ils me l'ont crevé. Que leur ai-je donc fait ? Il s'accroupit et pose sa main griffue sur la terre.
Ne peut-il pas y avoir deux êtres identiques en ce monde ? Quelle a été ma faute ?
Il serre dans sa main une poignée de terre.
Non, pas de jumeaux chez les Valkyns... L'enfant du démon. Voilà ce que je suis.
Il laisse filer la terre entre ses griffes.
Un oeil crevé... Et je ne suis plus comme l'autre. Mais ce n'était pas suffisant pour eux.
Il se relève d'un mouvement souple.
Chassé, exilé... Je ne suis plus de la meute.
Le Valkyn lève la tête et contemple les étoiles.
Peu importe. Ce n'est plus mon monde. Plus maintenant. Il rectifie sa pensée avec un grognement.
Plus jamais.

* * *


Tiens, bonjour. Cela faisait longtemps que vous n'étiez pas venu me voir. Ah oui, je comprends, vous devez être très occupé... Qu'est-ce qui vous amène, cette fois-ci ? Un livre ? Voyez-vous ça...
Vous ne pouvez pas le lire, dites-vous ? Faites-moi voir... Hum, je vois... Pas étonnant !

Bien peu de personnes seraient en mesure de déchiffrer ces signes. C'est du Valkyn... de l'ancien langage plus précisément. Vous ne saviez pas que les Valkyns avaient leur propre écriture ? Il est vrai que rares sont ceux qui s'en servent... En fait, seuls les chefs de clan trouvent quelque intérêt à l'apprendre.

Mais il se trouve que j'ai appris à le lire, vous en avez de la chance ! Je ne suis pas un grand Sage pour rien, il faut bien mériter son titre... Bon, installez-vous... non, pas cette chaise, je n'ai pas fini de la réparer ! Enfin, sauf si vous tenez à passer à travers...
Voilà, c'est mieux. Bien, bien, voyons ça... Le titre...


Mémoires d'un fils de chef Valkyn...

(Tiens, qu'est-ce que je vous disais ! Un futur chef, à coup sûr ! Continuons...)
'Aucun Valkyn ne trahira jamais les siens.'
Ce dicton résonne dans mon esprit alors que j'écris ces lignes. Ai-je trahi mes frères ? Non, bien sûr que non. Ce sont eux qui m'ont trahi, eux qui m'ont exilé. Mon cœur de Valkyn bats toujours dans ma poitrine, mes sens sont toujours aussi aiguisés, mes griffes toujours aussi tranchantes, mais je n'appartiens plus à la meute. (Ah, voilà qui est inhabituel ! Je dirais même que c'est rarissime ! D'autant plus si c'est un fils de chef... Je me demande comment il en est arrivé là...)

Ce n'est pas moi qui ai quitté la meute. Oh, non. Ils m'ont chassé. Pourquoi ? Vous pensez que je suis différent de mes frères, n'est-ce pas ? Que je suis affligé d'une quelconque tare physique et que c'est ce qui a poussé mon clan à m'exiler ? Hé bien, détrompez-vous. Nous autres Valkyns nous accommodons très bien de la différence. Nous ne la considérons pas comme nuisible, au contraire de certains... Humains. On pourrait même dire que nous la cultivons.

Un autre de nos proverbes dit : 'La différence, c'est le meilleur fruit de l'arbre de la vie'. (Hum... C'est beaucoup moins bien une fois traduit... mais enfin, vous avez saisi l'idée !)
Ce qu'ils ne supportent pas, ce sont les jumeaux. Deux personnes identiques... et ils ne s'y retrouvent plus. Nous les mettions mal à l'aise parce que nous étions exactement semblables. Le même visage, la même façon de parler, de bouger, de se battre, et surtout, la même odeur. Impossible de nous distinguer. Même nos propres parents se trompaient.
Oh, bien sûr, tous s'accordaient pour dire que ce n'était pas notre faute. Mais tout de même, c'était bien ennuyeux...


Toujours est-il qu'ils nous confondaient sans cesse. Au début, cela nous amusait, mon frère et moi. Nous en jouions même. Et puis, en grandissant, les choses ont changé. (Ça se gâte ! Quel étrange peuple, tout de même, ces Valkyns ! Et... Hein ? Oui, oui, je continue... ) Petit à petit, nous en sommes venus à ressentir le malaise qui planait sur la tribu.
— Hé Lurnor ! Ça y est, j'ai terminé ton arc !
— Ce n'est pas moi, Lurnor...
— Ha... Excuse-moi, frère.

Ce genre de scènes se multipliaient, et notre embarras croissait à mesure. Une certaine rivalité apparut entre nous, alors que nous étions jusque là soudés depuis l'enfance. Au commencement, ce n'était pas grand chose : de simples regards, des gestes parfois... des défis sans grande importance. Mais peu à peu, l'envie d'être reconnu par la communauté creusa l'écart entre nous. Nous nous mîmes à nous mesurer l'un à l'autre sans équivoque, lors des chasses ou des fêtes. Cependant, nous restions toujours loyals. Pas de coups bas entre frères Valkyns. Pas à cette époque, pas encore.

Seulement, ça ne pouvait pas continuer comme ça. Nous divisions le clan avec nos défis, et si nous voulions survivre, l'unité était une nécessité. Nous mettions donc en danger, sans le vouloir, la survie de la meute. Du moins était-ce ainsi que notre querelle était perçue.

Et ce qui devait arriver arriva. Le chef du clan décida d'une... (Ha, ce mot est intraduisible... Purement Valkyn... Non, vraiment, je ne vois pas comment... Bon, disons épreuve, mais souvenez-vous que ce n'est qu'approxima tif.) épreuve. Un duel entre mon frère et moi. Une manière radicale de décider lequel d'entre nous était digne de rester.

Lurnor et moi accueillîmes la nouvelle avec enthousiasme. Non seulement ce duel allait nous permettre de faire nos preuves envers le clan, mais c'était aussi l'occasion de nous affronter ouvertement, et face à tous. Bien sûr, nous pensions chacun de notre côté ressortir vainqueur de ce combat.

J'ai gardé dans ma mémoire chaque détail de notre duel. Il se déroulait en plein air, un jour du dragon où la chaleur était accablante. Nous nous faisions face, entourés par toute la tribu qui nous regardait, disposée en cercle autour de nous. Sans autres armes que nos seuls griffes et crocs, les yeux dans les yeux, nous attendions le signal de l'attaque.

Lorsqu'il fut donné, nous nous élancâmes au même instant. Le choc fut violent, frontal. Nous avions mis toutes nos forces dans ce premier assaut. Mes griffes s'enfoncèrent dans sa poitrine, quelques pouces au-dessus de son cœur, et les siennes dans ma jambe, manquant de peu l'artère fémorale. En grognant, nous nous dégageâmes au même instant. Nos yeux se croisèrent, et un rictus déforma le visage de mon frère.

Deuxième assaut... Plus brusque que le premier. Cette fois-ci, nous roulâmes à terre. Les griffes de mon frère plongèrent dans mon ventre, alors que les miennes effleuraient son bras. Je lui donnai un coup de genoux qui l'envoya rouler quelque mètres plus loin, et me relevai en soufflant. Il secoua la tête, se remit sur ses pieds et brandit ses griffes devant son visage.
— Abandonne, me dit-il. Tu es plus blessé que moi.
Je grondai un 'Non' en m'efforçant d'oublier la douleur de mon ventre.
(Ah, j'ai oublié de préciser quelque chose... Les duels Valkyns se déroulent en trois étapes. Le vainqueur est celui qui est encore debout à l'issue de la troisième. Nous en sommes donc ici à cette fameuse troisième manche...)
— Alors tu vas mourir, mon frère !

J'aimerais pouvoir effacer la suite de ma mémoire, mais évidemment c'est impossible. La scène est comme gravé au fer rouge dans mon esprit. Nous nous ruâmes de nouveau l'un sur l'autre, pressés d'en finir. Il me percuta violemment, et je tombai au sol, déséquilibré. Il se dressa au-dessus de moi en grondant.
Je vis ses griffes s'approcher de mon visage... je levai les bras dans un geste de défense que je savais dérisoire. C'était trop tard...
Le reste n'est que sensations confuses : une douleur intense, transperçant les brumes de cerveau... du rouge, partout... un râle de souffrance, et puis le noir, enfin. Comme une délivrance.

Lorsque je suis revenu à moi, j'étais seul. Ils m'avaient abandonné quelque part au-delà des frontières du territoire du clan. J'avais l'impression d'avoir le corps en feu, je tremblais de tous mes membres. La fièvre ? L'odeur de mon sang m'emplissait les narines. Je passais la main devant mon visage. Il y avait quelque chose qui n'allait pas.

Je levai la tête pour observer le paysage enneigé. Tout était flou... Je ne tardais pas à comprendre : je ne voyais que d'un œil. Je secouai la tête. Frissonnant, je me relevai et me mis à la recherche d'un abri.
Ne t'inquiète pas, ne t'inquiète pas... ce n'est que passager... me répétais-je à moi même.

(Hum... ce qui suit est illisible, même pour moi. Il vous faudra chercher quelqu'un d'autre pour vous le traduire. Comment, qu'est-ce que vous marmonnez ? Dites donc, je ne vous permets pas ! Mes capacités sont tout ce qu'il y a de plus respectables, seulement je ne suis pas omniscient ! Oui, c'est ça... Bon, je continue.)

Je survécus. J'appris à vivre seul, comme l'Exilé que j'étais. Un Sans-Meute. Avec le temps, je finis par admettre que je ne retrouverais jamais l'usage de mon œil droit. Dès lors, ma vie devint beaucoup plus simple. Je voyageais un peu partout, j'apprenais de nouvelles techniques de combat, je chassais pour me nourrir... Seul, toujours seul.

C'est à cette époque la graine de la vengeance fut plantée en moi, et elle développa de profondes racines dans mon être. Je haïssais mes frères Valkyns, pour ce qu'ils m'avaient fait subir, pour leurs faiblesses et leur stupidité. Je ne désirais qu'une chose : prendre ma revanche.

Le temps des affrontements à la loyale était révolu : je m'instruisis dans l'art des Ombres, prévoyant de frapper une fois prêt. Sans merci. Je rejetais les valeurs de mon peuple — Honneur, Force, Courage — pour embrasser la ruse et l'intrigue.

A présent, quelques années ont passé, mais elles n'ont en rien affaibli ma décision. De nombreux Valkyns de mon ancienne meute sont déjà tombés sous mes lames, et je ne vais pas m'arrêter là. Peu à peu, je me rapproche de mon but ultime... mon frère jumeau, Lurnor. Bientôt viendra le jour où plus personne ne se dressera pour le défendre, et ce jour là, je frapperai.

Je m'aperçois que l'histoire de ma vie tient en peu de pages. Quel besoin ai-je eu de l'écrire ? Volonté de justification ? Besoin d'éclaircissement ? Je ne saurais le dire. Ces quelques lignes tracées à l'encre noire me semblent bien inutiles... Je vais cacher ce manuscrit dans un endroit reculé, à l'abri des regards, et si un jour quelqu'un le trouve et le déchiffre, il saura... Il saura comment moi, Tyraël Neria, je suis devenu Tyraël le Sans-Meute.

Hé bien ! Quelle histoire... Vous avez été bien chanceux de tomber sur ces écrits ! Où avez-vous déniché ce livre ? Ha, vous préférez gardez l'endroit secret... Oui, bien sûr, je comprends. En tout cas, ce fut fort instructif !

Oui, vous avez raison, rentrez donc chez vous vous reposer. Nous nous reverrons sans doute ! Faites attention à la marche en sortant... Voilà, c'est ça ! Au revoir !
Enfin, il est parti... Je me demande s'il a des soupçons... et s'il parviendra à trouver quelqu'un pour lui lire la partie indéchiffrable.
— S'il y parvient, je le tuerai.

Le Valkyn qui était resté caché jusque là sort de l'ombre, la main posée négligemment sur le pommeau de son épée.
— Personne ne doit savoir, dit-il d'une voix ferme. Personne.

Le vieux sage hoche la tête avec un sourire amusé.
— Ne t'inquiète pas, mon ami... Je doute qu'il y ait encore quelqu'un en ce monde qui soit capable de lire l'ancien Valkyn... excepté moi et les plus instruits de ta race, bien sûr.

Le Valkyn le considère quelques instants.
— Je devrais te tuer, alors, lâche-t-il.

Il y a un instant de silence durant lequel ils se regardent, puis l'homme éclate de rire, bientôt suivi par le Valkyn.
— C'est peut être ce que tu aurais dû faire il y a longtemps, fait remarquer l'humain.
— Et qui donc m'aurait appris l'art des poisons ? ricane le Valkyn en secouant la tête.

Ils se sourient, puis le Valkyn fait soudain claquer ses mâchoires et se dirige vers la porte.
— Je repars en chasse...

Le vieil homme soupire.
— Bonne chance...

La porte se referme doucement derrière le Valkyn.
— Tyraël, termine le vieillard, à présent seul dans la pièce.
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