Allongé sous un arbre, mon armure devait commencer à rouiller, elle me paressait plus lourde qu’à l’habitude, je pensais que les blessures du dernier combat me seraient sûrement fatales, je me souviens avoir retiré avec difficulté mon heaume, laissant apparaître de sévères contusions.
Mon regard se perdait désormais dans le gris du ciel, la voix de Fracasse se faisait de plus en plus lointaine.
Alors que mes paupières s’alourdissaient de seconde en seconde je m’imaginais cinq cycles plutôt.
Je voyais, une famille, la mienne, des invités de haut rang du clan Battlehammer et, moi-même, réunis dans une grande maison rustique, autours d’une table gigantesque en chêne, où prés de nous, un feu intense crépitait dans une cheminé de pierre taillée.
Nous dînions et évoquions des racines nanesques éloignées, fierté de notre clan highlander celui-ci réputé pour sa force mythique.
Derrière des gorgées de bière amère et d’hydromel, le clan entamait un chant typique, étrangement je le chantais et je connaissais les paroles. Mais une gêne se fit rapidement sentir, un profond manque, mais je ne savais pas de quoi il s’agissait, la sensation d’avoir perdu une partie de moi-même.
Le repas se déroulait à merveille, l’enivrement commençait à se faire ressentir, certain somnolait sur la table ovale. L’heure était tardive, un frisson me traversait soudainement l’échine, je scrutais alors tout autours de moi, la scène semblait figée, le feu ne pétillait plus, les convives eux aussi ne festoyaient plus. Ils étaient debout mais inertes. La grande salle à l’aspect jaunâtre dù à la luminosité des bougies vira dans une sorte de teinte violet sombre. Mon attention s’est alors tournée vers la porte ; des ombres semblaient pénétrer par toutes les fentes, elles prirent bientôt place dans toute la salle où nous dînions. Je suis resté toujours immobile, je cherchais Fracasse du regard, en vain elle n’était pas la. J’ai crié pour l’appeler, mais rien ne sortait de ma bouche. Et celle-ci étant grande ouverte, les ombres m’envahirent, je sentit ma gorge s’encombrer, je ne pouvais plus respirer.
Brusquement j’ai eu la sensation que mon esprit était revenu à la réalité, j’ai penché ma tête sur ma gauche et craché fébrilement une lampée de sang qui m’obstruait quelque seconde auparavant les voix respiratoires. Ma main droite cherchait avec désespoir le pommeau de Fracasse toujours en vain, elle n’était plus là. Alors que j’usais de mes dernières forces en tâtonnant sur mes flancs, la douce voix de fracasse se fit entendre, mes yeux tentaient de s’ouvrir péniblement mais, avec la voix de mon unique compagne, je ne vis qu’une magnifique créature me parler dans une langue m’étant totalement inconnue, elle posa son index sur mon torse et forma des runes au-dessus de mon armure de plaque et, la créature acquiesça.
Le soleil brillait, je ne savais pas combien de temps j’avais dormi, ni ce qui avait été rêve ou été pénible réalité. Mon armure était précieusement empilée prés de moi, et Fracasse soigneusement enroulée dans un linge blanc. Mes blessures étaient guéries. J’étais torse nue, et les stigmates sur mon corps me rappelaient pourquoi Fracasse et moi étions venus en Hibernia Atlantis sous le conseille d’un vieux sorcier. Le premier rêve que j’avais fait était-il un souvenir de mon obscur passé ? Une simple illusion de ce qu’aurait pus être ma famille ? Mon esprit serait-il à jamais torturé par les ténèbres… Quant à l’étrange et magnifique créature au trait féminin, elle, était-elle réelle ? Je regardais mon torse, là où elle avait posé son index, les traces paraissaient moins grossières et plus lisibles pour quiconque était initié. Je me relevais et j’enfilais les lourdes pièces de l’armure de plaque, pensif, j’allais reprendre la route à la recherche de celui qui pourrait traduire les marques, et retirer le voile de mon passé oublié...
