[BG] Werewindle

L'histoire d'Amtenaël
Elfae
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[BG] Werewindle

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Une lame.
Mon esprit est une lame. Deux faces dans mon âme.
L'une violente, sauvage, orgueilleuse. Presque irréelle. L'autre sage, mesurée, éclairée. Quoi de plus normal pour une elfe ?
Ces deux parties de moi-même se combattent violemment, sans relâche. Prennent tour à tour le dessus.
Mais commençons par le commencement.

Mon enfance...
Elle ne fut qu'une progressive et douloureuse prise de conscience de cette dualité. Petite déjà, je prenais plaisir à voir la souffrance. La provoquer. La maîtriser. Je ne pouvais m'empêcher de torturer des animaux durant de longues heures, seule, dans un coin reculé des forêts hiberniennes. Je finissais toujours par les tuer, me délectant du rouge de leur sang. Plaisir esthétique, bien sûr.
Une autre partie de moi-même combattait ces pulsions. J'avais conscience que ce que je faisais était mal. Répréhensible. Du moins selon les standards de la société elfique. J'avais été élevée dans un idéal de paix et de sagesse, non de violence. Les Elfes protègent la nature, ils ne la détruisent pas. Or c'était la destruction qui m'attirait. La souffrance, le feu, la violence me fascinaient.
Je m'efforçais de dissimuler cette part de moi-même. Lorsque je m'enfonçais dans la forêt, c'était toujours seule, et tous croyait que c'était pour m'entraîner au maniement de l'épée sans que personne ne me vît. Je mentais pour préserver mon secret. Ma malédiction.
Au fur et à mesure que je grandissais, ce conflit se développa en moi. Il atteignit son paroxysme lors d'une chaude journée d'été...


— Aurais-tu peur, Wer' ?
— Peur, moi ?
Je me mets à rire.
— Tu aimerais bien !
Il éclate à son tour d'un rire amical et prend position, sa lame tendue devant lui, prêt à toute éventualité. Je dégaine mon épée et l'imite.
— Vas-y, Wer' ! me lance joyeusement un des jeunes Elfes qui nous entourent.
Je souris et fait virevolter mon épée. Simple bravade.
— Tu crois pouvoir y arriver ? me demande mon adversaire d'un ton ironique.
Pour toute réponse, j'attaque brusquement. L'Elfe dévie ma lame sans difficulté – comme je m'y attendais -, et le combat commence. Ce n'est qu'un duel amical, bien sûr. Il ne s'agit pas de tuer son adversaire, mais de le blesser suffisamment pour qu'il s'avoue vaincu.
Pendant quelques minutes, je m'efforce de déjouer ses attaques, et n'en porte moi-même que quelques-unes. Je connaissais son style, et savais qu'il préférait dépenser toutes ses forces dès le début du combat, afin de fatiguer son adversaire – de le pousser à faire une faute.
Je restais donc calme, concentrée, l'esprit tout entier tourné vers le combat. Au bout d'un moment, je quitte mon style défensif et commence à attaquer. Mon adversaire, remarquant ce changement, se met à sourire. Il me connaît bien.
Soudain, son épée, d'un étrange mouvement sinuant, écarte ma lame et passe sous ma garde. Je me jette en arrière.
Trop tard. L'acier trace une fine ligne sanglante sur ma joue droite, puis se retire.
Je grimace, romps l'engagement et porte ma main à ma joue. Ce n'est qu'une égratignure, mais je ne peux m'empêcher de ressentir de la colère. Injustifiée, me souffle une partie de mon esprit.
Mon adversaire me sourit.
— On dirait que les Dieux t'ont abandonné, Wer'... ironise-t-il.
Ces paroles déclenchent ma fureur, réveillant la part de moi-même que j'étais parvenu à tenir à distance jusque là.
— Les dieux ! craché-je. Ils nous ont exilés dans les profondeurs obscures, ils nous ont condamné à des siècles de souffrance, de malheur, et de noirceur ! Et tout ça à cause de vous, oui vous, pauvres petites races ignares effrayées par notre écrasante supériorité ! Mais nous sommes de retour... Pour votre plus grand malheur !
J'éclate de rire, en proie à une joie sinistre. Autour de moi, les Elfes sont figés de stupeur. Nul n'ose prononcer le moindre mot. Je les défie du regard, pleine de haine et de rage à leur encontre.
Mon adversaire me dévisage, l'air incrédule.
— Wer' ? dit-il d'un ton hésitant.
Je tourne mon regard vers lui et lance avec haine :
— Tu seras le premier à payer !
Je lève mon épée et me précipite sur lui. Il pare d'instinct mon premier coup, mais ils ne peut rien faire contre les suivants. Ma force est décuplée, j'ai soudain l'impression de ne faire qu'une avec mon épée. En deux virevoltes habiles, je désarme mon adversaire. Puis, en un seul coup de taille, je le décapite. Sa tête roule par terre, et rebondit plusieurs fois par terre avec un bruit mat.
A cet instant, je prends conscience de ce que j'ai fait. La rage et la haine disparaissent aussi rapidement qu'elles étaient venues. Je m'effondre au pied du cadavre et me mets à pleurer. Je ne comprenais pas ce qui s'était passé, ça n'avait été qu'un moment d'aveuglement. Je me souvenais de ce que j'avais fait, mais ce n'était pas moi. Ce n'était pas moi... Ça ne pouvait pas être moi...
Je savais que les elfes ne me pardonneraient jamais ce crime. Au-delà d'avoir tué un membre de ma race, ce qui était déjà en soi un crime impardonnable, j'avais porté la main sur mon propre sang.
Je continuais à pleurer, alors que les Elfes s'agitaient soudain autour de moi. Certains criaient, d'autres se lamentaient, le plupart me questionnaient.
Quant à moi, je n'avais d'yeux que pour l'Elfe que j'avais tué.
Mon frère.


L'exil.
Ils n'avaient pas d'autre choix. Mon accès de rage et sa conséquence tragique leur avaient à tous révélé ma vraie nature. Je fus donc expulsé de la communauté elfique, bannie, à jamais.
Je vécus durant de longues années dans les profondeurs de la forêt. Je m'entraînai au maniement de l'épée, et réfléchissait de longues heures durant sur mon passé, mon présent, et mon avenir. Au fur et à mesure que le temps passait, je m'améliorais, et découvrais cette partie de moi-même qui m'avait valu l'exil.
Elle prenait lentement le dessus. Le sang m'était devenu indispensable. A certains moments, lorsque la rage me prenait, j'égorgeais des créatures de mes propres dents et buvais leur fluide vital avidement.
Et surtout, il y avait les rêves... Je faisais toujours le même rêve, chaque nuit. Ce n'étaient que des suites d'images confuses, mais parmi elles il y en avait une de claire.
Une seule.
Une immense araignée, noire comme la nuit, avec des taches d'un jaune sombre éparses. Et un nom : Lolth.
Elle ne prononçait qu'un seul mot :
— Bientôt.
Je n'avais de cesse de m'interroger sur ces rêves. Ils m'obsédaient, je sentais qu'il y avait là une des clefs pour comprendre mon étrange comportement, et, peut-être, un lien avec le passé des Elfes.
A la longue, au bout d'une cinquantaine d'années, ces rêves m'amenèrent à me tourner vers le monde extérieur, que j'avais abandonné depuis fort longtemps, et en réalité presque oublié. Je décidais qu'il me fallait des nouvelles de ce monde, mais je répugnais encore à y remettre les pieds. Non par peur, mais je ne me sentais pas encore prête, tout simplement. Comme si je savais instinctivement que j'avais encore des choses à apprendre, ici, au plus profond de la forêt.
Heureusement, il y avait d'autres moyens d'obtenir des informations...

— Parle ou je te tranche la gorge !
J'appuie mon épée sur le cou de l'humain et m'amuse de son expression affolée.
— Je... Je ne sais rien ! bredouille-t-il.
Un sourire féroce déforme mon visage.
— Que se passe-t-il dans ton monde, misérable larve ? Réponds !
L'humain se passe la langue sur les lèvres.
— Je... Le seigneur Hurius s'est récemment marié à la jeune Elicia !
Je presse davantage la lame contre sa gorge et lance d'un air menaçant :
— Tu crois que ça m'intéresse ? Trouves autre chose !
Il me jette un regard désespéré, puis soudain ses yeux s'illuminent et il s'écrie :
— Les Elfes Noirs !
Ces mots ont sur moi l'effet d'un coup de tonnerre. Je reste pétrifié, l'esprit comme figé par ces paroles. J'ai l'impression de connaître ce nom depuis toujours, et pourtant je sais pertinemment que c'est la première fois que je l'entends.
Mais je me reprends vite, et ordonne à l'humain :
— Dis moi tout ce que tu sais sur eux.


Il obéit, et j'en appris bien plus que je ne l'avais escompté d'un misérable humain. Lorsqu'il m'eut révélé tout ce qu'il savait, et qu'il ne me fût plus d'aucune utilité, je le tuais. Je décidai ensuite de revenir dans le monde des mortels, afin de rencontrer ces Elfes Noirs, qui semblaient si proches d'une part de moi-même, du moins si j'en croyais l'humain.
Je revins donc dans ce monde honni, qui m'avait exilé. Il n'avait pas changé, pas plus que les créatures qui le peuplaient. J'étais emplie d'une haine et d'une envie de vengeance à leur égard qui m'affolait, et en même temps me fascinaient. J'avais conscience d'être bien plus que ce que je pensais. Pas seulement une Elfe.
J'avais finis par comprendre l'histoire des Elfes Noirs, mais je ne voyais pas encore tout ce que cela signifiait. Mon esprit, d'habitude si habile à rassembler les morceaux épars d'un raisonnement, renâclait à la tâche. Je n'étais pas sûre de savoir pourquoi.
Cependant, le Destin – ou Lolth ? - fit bien les choses, et je ne tardai pas à rencontrer un Elfe Noir...

Le scarabée reste immobile tandis que je scrute sa carapace, cherchant une faille où insérer mon épée. Il doit bien y avoir une faiblesse quelque part...
— Hum hum... fait une voix juste derrière moi.
Je parviens de justesse à ne pas sursauter et me retourne lentement. Il est beau. C'est la première pensée qui me vient à l'esprit. Comme... achevé. Parfait.
Je comprends immédiatement que j'ai affaire à un de ces fameux Elfes Noirs.
— Alors... C'est donc cela, un Elfe Noir, dis-je en murmurant.
— En effet, réplique l'Elfe.
— Ça explique beaucoup de choses... dis-je, songeuse.
L'Elfe hausse un sourcil, l'air intrigué.
— C'est-à-dire ?
— Hé bien... Certains rêves que je fais...
Il perçoit mon hésitation et insiste :
— Comme ?
Je grimace, puis réponds avec prudence :
— Une araignée.. Gigantesque... Lolth... Un mot...
— Lequel ?
— Bientôt.
Je fronce les sourcils, puis ajoute :
— Bientôt... La revanche.
Je m'arrête, surprise par mes propres paroles. C'est presque comme si elles me venaient d'elles-même.
— Tu es déjà bien avancé, remarque l'Elfe Noir. Quel est ton nom ?
J'hésite un instant, mais ne tergiverse pas longtemps. Pourquoi ne pas le lui donner ? S'il y a quelqu'un qui peut me comprendre, c'est bien lui.
— Je n'utilise plus mon nom Elfe depuis bien longtemps. On me connaît sous le nom de Werewindle.
L'Elfe hoche la tête.
— Mon nom Elfe, quant à moi, est la seule chose qui me rattache à mon passé. Il faudrait que je songe à le changer...
— Oserez-vous me le donner ?
Il sourit.
— Je me nomme Mahtan Maeghen.
Je lui souris en retour :
— Enchantée de vous connaître.
— Moi de même, réplique-t-il.
Ses yeux se perdent soudain dans le vague. Puis, semblant revenir à la réalité, il me demande :
— Que comptes-tu faire, Werewindle ?
Je le dévisage, hésitante.
— Je sens que je suis liée à cette Lolth et aux Elfes Noirs... Mais je ne sais pas encore de quelle manière.
L'Elfe me sourit.
— Tu le découvriras. Bientôt, ajoute-t-il d'un ton ironique.
Il m'observe quelques instants, puis reprends :
— Lorsque tu te sentiras prête, viens me trouver. Nous verrons alors si tu es vraiment ce que tu soupçonnes être.
Il sourit une dernière fois, puis me salue de la tête et s'éloigne à grand pas vers le fort d'Hibernia, me laissant seule avec mes pensées.


Cette rencontre a éveillé l'Elfe Noir en moi. Je perçois à présent ce qui se joue. Les enfants doivent payer pour les crimes de leurs parents, qui jadis, par leur jalousie et leur haine, nous exilèrent dans les profondeurs du monde.
La vengeance, disent les humains, est un plat qui se mange froid. J'estime qu'en quelques milliers d'années, il a eu largement le temps de refroidir.
L'heure de la vengeance a sonné.

Mon esprit est une lame, oui. Une lame à double tranchant. Et bientôt, très bientôt, elle sera à nouveau ensanglantée.
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Qui suis-je ?
Tout au long de ma vie, cette question n'a cessé de me hanter. Je n'ai jamais trouvé de réponse satisfaisante. Ma récente rencontre avec les Elfes Noirs, si elle m'a apporté quelques clefs, a cependant soulevé bien d'autres interrogations. Elle a également fait ressortir toutes mes différences, que ce soit par rapport à l'ensemble de la race Elfe, ou tout simplement vis-à-vis du monde – étranger est le bon mot pour le définir, je pense.
Différences qui par ailleurs ne datent pas d'hier. Et même les autres races les décelèrent...

La lune est haute dans le ciel. Éclairant de sa lumière froide l'immense forêt d'Hibernia.
— A genoux !
Je ne m'agenouille pas.
— Nul ne mérite que je m'incline devant lui.
C'est moi qui ai prononcé ces mots, mais ils sonnent comme inconnus à mon oreille. Une sensation des plus étranges.
L'un des humains qui m'encadrent me place une dague sous la gorge.
— Surveille tes paroles, l'elfe ! me menace-t-il.
Mon regard croise celui de l'homme qui se tient face à moi. Il n'a pas encore ouvert la bouche, se contentant de regarder ses deux acolytes me maîtriser. Un léger sourire flotte sur ses lèvres alors qu'il se penche vers moi.
— Ah, vraiment ? Mais je peux t'y obliger.
Il fait un geste de la main à l'intention d'un de ses compagnons, et la seconde suivante, je reçois un violent coup dans le bas du dos. Malgré moi, je m'effondre en poussant un grognement.
— Tu vois... dit l'humain d'une voix doucereuse. Lorsqu'il le faut, tu es obéissante... Elfe.
Le dernier mot est volontairement accentué de manière à paraître insultant. Je relève la tête et le fusille du regard. Il m'observe quelques instants, puis demande sèchement :
— Où sont donc les tiens ? Ce n'est pas dans leur habitude de laisser une de leur femelle seule...
Je rétorque tout aussi sèchement :
— Les femmes Elfes n'ont pas besoin des mâles pour survivre.
L'humain sourit, amusé par mes paroles. Sans doute se croit-il en position de force, car il prolonge la discussion :
— Pourtant, ce sont les mâles qui dirigent votre société, non ?
— Encore heureux qu'ils ne laissent pas leur femelles les diriger ! s'esclaffe l'un des hommes qui me tient.
Je murmure entre mes dents :
— Ça ne devrait pas en être ainsi... Nous autres femmes sommes bien plus aptes à gouverner que ces stupides mâles...
Encore une fois, mes paroles me semblent étrangères.
— Oh, nous avons donc là une rebelle... fait d'un ton ironique le chef des humains. Et pourquoi vaudrais-tu plus qu'un mâle ? Si l'on peut toutefois appliquer ce terme aux elfes...
Ses deux compagnons éclatent de rire.
Rage. Haine. Fureur.
Telles sont les émotions qui me traversent en cet instant. Quelque chose s'agite au fond de moi. Sombre. Indéfini. Mais puissant.
Indéniablement puissant.
— Ilharessen zhaunil alurl.
Ces mots sortis de nulle part semblent me donner la force nécessaire. Avant que l'humain ait pu dire quoi que ce soit, j'échappe à l'étreinte des deux humains et glisse une main à l'intérieur de ma botte. Mes doigts se refermèrent sur ma dague.
Un lancer aussi vif que précis. Toujours viser la gorge. Une lueur de surprise dans les yeux de l'humain, puis il s'écroule.
Je me retourne pour faire face aux deux survivants, et leur sourit. Ils me dévisagent, effarés.
— Oloth plynn dos, dis-je encore.
Je les regarde s'enfuir en souriant.
— C'est trop tard, stupides humains.
Un mouvement des mains. Rapide. Deux autres dagues déchirent l'air. Les humains s'écroulent presque au même instant. Mon sourire s'accentue, et je récupère mes armes sur leurs cadavres. Après leur avoir jeté un dernier regard, je m'éloigne.
Là-haut dans le ciel, la lune continue de briller. Faucille d'or dans le champ des étoiles.


Longtemps je me suis interrogée sur cette force mystérieuse qui s'était emparée de moi. A présent, j'ai un nom pour commencer mes recherches.
Lolth.
D'elle, je ne sais rien encore. Elle n'est pour l'instant qu'un murmure dans ma tête, aussi insaisissable que le vent. Mais cela viendra. Du moins l'espéré-je.

Les humains disent que les Elfes sont arrogants. C'est faux, bien entendu. Quand ils parlent d'arrogance, nous parlons de réalisme. Ce n'est qu'une question de point de vue.
Chacun d'entre eux est convaincu d'être le meilleur. D'avoir de l'importance. Incroyable illusion de leur esprit malade. Ils ne sont rien de moins que de la poussière. Un souffle les fait vaciller.
A les écouter, tout ce qu'ils font est beau, juste, parfait. Or c'est loin d'être le cas. Même leur musique est horrible. Hélas les en convaincre est difficile, pour ne pas dire impossible...

Le soleil est haut dans le ciel alors que je traverse la forêt d'Hibernia.
En alerte. Sur mes gardes. Après tout, je suis en territoire ennemi. Étrangère en une terre étrange.
Un humain. Il porte un tambour. Ridicule. Un musicien. Je passe mon chemin sans lui accorder plus d'un coup d'œil. Mais il en a décidé autrement, avec l'arrogance propre à sa race. Je me retrouve soudain incapable de bouger, comme hypnotisé.
J'entends des pas derrière moi, puis l'humain apparaît dans mon champ de vision. Il se place devant moi, les mains sur les hanches.
— Quand on croise quelqu'un, on le salue, dit-il, les sourcils froncés.
Je le dévisage froidement.
— Je ne salue pas les humains, dis-je alors que les effets du sortilège se dissipe. Et surtout pas les musiciens.
— Pourquoi ? Vous n'aimez pas la musique ?
Il se met à taper d'un air enjoué sur son tambour. Je plisse les yeux.
— Ce que vous appelez musique est horrible. Ça n'est pas audible. Je préfère encore les grognements d'un sanglier.
Il s'empourpre et prend un air outré. Je souris.
— La musique est bien plus que cela ! Elle apaise les cœurs, elle réconforte, elle console. Personne ne devrait la mépriser !
Je fais la moue.
— La musique, dis-je d'un ton froid, est le baume des faibles.
— La musique, rétorque-t-il, est le baume des justes.
Je lui souris.
— Ce qui revient exactement au même.
Il secoue la tête en soupirant.
— Je pensais que les Elfes seraient les premiers à apprécier ma musique. Je vois que ce n'est pas le cas...
— Peut-être ne suis-je pas une Elfe comme les autres.
Il me dévisage encore pendant quelques instants, puis déclare d'un ton théâtral :
— Dans ce cas, nous n'avons plus rien à nous dire !
Il me tourne le dos et ajoute :
— Je ne vous salue pas.
Puis il s'éloigne à grands pas. Je le regarde partir en souriant.


Arrogants petits humains. Profitez-en bien. Cela ne durera plus très longtemps...

Cependant, il reste encore une question. Toujours la même. Lancinante.
Qui suis-je ? Mais qui suis-je ?
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Perdue.

Elle était perdue. Elle ne savais même plus qui elle était. Tout s'en était allé : ses souvenirs, ses sentiments, sa volonté de vivre. Elle gisait là, au pied d'un arbre, sur un tapis de mousse humide, telle une poupée désarticulée. Une coquille vide, voilà ce qu'elle était devenue. Une horrible sensation de manque l'oppressait, comme si une partie d'elle-même lui avait été arrachée. Quelque chose était parti à jamais, quelque chose qui avait autrefois été elle.

Mais elle ne parvenait pas à se souvenir, même la mémoire de sa vie passée lui était refusée. Il ne restait que le présent, et cette enveloppe charnelle étrange, ce corps d'elfe qui lui paraissait trop faible. Bien trop faible.

Quelque fois, cependant, des morceaux de souvenir remontaient à la surface, s'imposant sous formes de visions fulgurantes, qui déchiraient le voile de son indifférence. Des mots se superposaient les uns aux autres, sans queue ni tête. Lorsque cela se produisait, elle se roulait en boule sur le sol et hurlait de toutes ses forces sans discontinuer.

Au bout d'un moment, elle parvenait à éloigner les sombres vérités tapies au fond de son esprit. Elle ressortait de ses crises le corps en feu, à bout de souffle, et les larmes aux yeux. Elle aurait voulu mourir.

Et pourtant, elle allait vivre. D'une manière désabusée, hasardeuse, chaotique, mais elle allait vivre. Pourquoi ? Parce qu'il le fallait. Parce qu'elle le devait. Parce qu'elle savait, confusément mais avec une certitude absolue, qu'elle avait encore un rôle à jouer dans ce monde. Il ne lui restait plus qu'à trouver lequel. Et ça n'allait pas être facile.
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