Le coup de poing l'envoya rouler plus loin à terre. Elle essaya de se relever sur les coudes, et porta sa main à sa joue qui enflait à vue d'œil.
Son père, couché sur le flanc, la regarda en suppliant.
Jelanda, non… Ne fait pas ça… Tu…
Tais-toi, sale chien! L'Empire ne peut pas supporter de telles choses! Arrête-toi tout de suite, ou sinon…
Sinon quoi! Qu'allez-vous faire?! Nous tuer?! Jelanda était hors d'haleine, le regard défiant l'homme devant elle
S'il le faut…
Le garde regarda la jeune fille d'un air pervers et déterminé. Il envoya un coup de pied vicieux au vieillard toujours à terre, et cracha sur lui.
Vous avez été prévenus! Votre petite mascarade a assez duré! Soit vous vous soumettez à l'Emprereur, soit vous mourrez, c'est aussi simple que ça… Mais il semble que vous ayez déjà choisi, non? Dans ce cas…
Avec un sourire malsain, il saisit sa lance rapidement, se préparant à frapper. Jelanda se releva prestement, et attrapa la longue épée à deux mains de son père qui gisait là.
Jelanda, non!!!!
Mais le vieux avait protesté en vain. Elle fit tournoyer la lame au-dessus de sa tête et l'abattit sur le casque du garde. L'homme tomba lourdement sur le sol, inanimé, le crâne fendu et fumant. Avec une force inouïe, elle releva la lame tachée de sang et se précipita vers les deux autres gardes qui riaient grassement en fouillant les coffres hors de la chaumière. Ils furent surpris mais n'eurent pas le temps de saisir leurs armes. D'un geste précis, elle tourna sur elle-même et assena un coup magistral sur le plastron du premier. Il tomba raide sur les deux lances appuyées contre le mur de la maison, empêchant l'autre garde de s'en saisir. Croyant que la jeune femme serait moins rapide, il tenta de la frapper à la tête. Elle para le coup, et le frappa à l'épaule ou la lame s'enfonça. Elle la retira en s'aidant avec le pied, et acheva le garde d'un coup en plein dans la visière de son casque. Un gargouillis lui indiqua que la vie avait quitté la forme inerte à ses pieds…
Affolé, un autre garde posté en dehors du village se rua vers son cheval, montant maladroitement sur sa monture et criant de peur. Elle lui courut après, mais ne réussi pas à l'arrêter. Elle s'arrêta, hors d'haleine.
Jelanda… Je… landa…
Père!!! Oh non, père!
Elle ne put bouger pendant quelques secondes, sous le choc. Elle se précipita ensuite vers le vieillard à terre et tomba à genoux près de son visage.
Oh père, je suis… Pardon! Non, reste avec moi!!!
Jelanda… Fuis, mon enfant… S'ils te retrouvent… Ils… Ils te tueront…
Non!! Je ne veux pas te laisser!! Père, non…
Pars!!! Le vieillard suffoqua. Prends l'épée… Prends soin d'elle, elle prendra soin de toi… Je… Argh…
Il tendit la main, mais elle retomba subitement. Un soupir s'échappa de la bouche édentée et le corps devint lourd et inerte. Jelanda passa sa main sur son visage, toujours choquée. Elle ramassa ses minces affaires. Elle essuya la lame, et la rangea dans son fourreau. Elle leva les yeux, le regard trouble, et s'élança dans la forêt hibernienne.
Elle courait toujours, droit devant elle. Elle arriva près des maisons des maîtres-entraîneurs, non loin du fort principal de Hibernia. Évitant les gardes, elle pénétra dans la maison où se trouvait le maître Protecteur, trébuchant à ses genoux, le visage près du sol.
Jelanda? Mais qu'est-ce que…
Mon maître… Je… Je suis… Elle n'arrivait pas à parler de façon cohérente.
Viens, ma fille… Montons à l'étage…
Le maître jeta un regard circulaire au dehors puis la souleva pour l'emmener vers l'escalier. Il la laissa sur une couche, et s'agenouilla près d'elle. Elle reprit son souffle, et le regarda, les yeux, remplis de larmes.
J'ai fait… Une chose affreuse…
Allons donc! Qu'aurais-tu pu faire de si grave?
J'ai tué trois… J'ai abattu des gardes de l'empire… Je suis… Oh, mon maître!
Abasourdi, il la serra contre lui, le regard incrédule. Jelanda s'épuisait en sanglots sur son épaule et se calma peu à peu.
Raconte-moi…
Elle lui expliqua comment les gardes avaient assailli son village, retournant les chaumières, mettant le feu, chassant les villageois. Elle lui expliqua qu'en fait ils avaient été soudoyés par d'autres personnes pour les intimider, et les empêcher de commercer pour vivre. Elle avait surpris une conversation dans la forêt, les gardes passant un marché avec des hommes étranges, et elle avait vu les bourses passer de mains en mains. Elle lui raconta leurs passages fréquents, et la terreur qu'ils infligeaient aux habitants de son hameau en détruisant cruellement leurs ressources. Le maître écoutait attentivement, l'air grave.
C'est très grave, Jelanda… Tu t'es mise dans une situation très difficile…
Que dois-je faire?! Je ne sais pas où aller…
Tu dois te cacher… Il ne faut pas qu'ils te trouvent… Pas pour l'instant… Je connais un endroit sûr…
Le maître se mit à chuchoter quelques mots uniquement audibles par Jelanda. Elle acquiesçait tout en écoutant attentivement, et se redressa doucement sur le lit.
Entendu, mon maître… Je reviendrais vous voir…
Souviens-toi. Personne ne doit savoir que tu es là. Personne ne doit savoir ce qui s'est passé. Un jour, la Justice se fera. Patience, petite Jelanda…Je compte sur toi…
Merci… Je vous dois tout…
Tss… Va maintenant, et n'oublie pas…
Sous le regard bienveillant de son maître, Jelanda se dirigea vers la sortie de la maison. Elle se glissa discrètement entre les arbres centenaires, et s'évanouit dans l'ombre de la forêt.
