[Histoire]La nuit des temps passés

[Hermès]

La pluie de flammes avait dévasté Avalon.

Les forêts étaient presque toutes calcinées; les efforts que tous avaient fait pour conserver, préserver, protéger avaient presque tous été vains: les élémentaux de feu se faisaient détruire seulement pour se relever peu de temps après leur défaite. La fumée que l'on voyait au loin, lorsqu'on regardait dans la direction d'Emblème, témoignait de la défaite de la défense de la ville, celle qui avait été la capitale de l'ile d'Avalon pour les dernières centaines d'années.

Le désespoir avait déjà gagné le coeur des plus forts, la panique celui des plus faibles. Ils étaient bien peu, ceux qui avaient connu des entités d'une telle puissance; encore moins ceux qui avaient dû y faire face, et encore moins le faire fréquemment.

Les seuls qui l'avaient fait n'avaient pas l'intention de répéter l'expérience plus qu'il ne le fallait; ils étaient terrés, dans une caverne, à profiter de ce juste destin que les hommes devaient partager, enfin. Ils auraient pu réagir; n'avaient pas l'intention de le faire.

Après plusieurs jours de chaos sans merci, ce qui ressemblait à un portail s'ouvrit dans les cieux, laissant place à une nouvelle vague de destruction, accompagnée de son créateur, un démon tricéphale dont les têtes parlaient à l'unisson, souriant devant la destruction massive dont il était la cause: Grinn, seigneur des Abysses. Ses légions massives s'étaient préparées durant les dernières décennies pour ce débarquement qui n'aurait pas de suite. Longtemps il avait aspiré à ce moment, et il était sien, enfin. Lui et ses lieutenants marchaient à travers les contrées, suivis de hordes de démons mineurs, tuant et mettant le feu à tout ce qu'ils pouvaient toucher.

Depuis la première journée de ce cataclysme, un groupe d'êtres qui ne s'étaient pas rencontrés depuis des centenaires avaient décidé qu'il était temps de se réunir à nouveau.

Le cercle des mages temporels, bien que sous-estimés, avaient pris soin durant les dernières décennies d'offrir leurs services, mais sans plus, pour ne pas se faire remarquer plus qu'il ne le fallait. Les plus hauts mages de cette confrérie se rencontrèrent en secret, pour déterminer s'ils pouvaient pallier ou non cette menace. Plus les jours avançaient, et plus la situation se désagrégeait. Les solutions proposées quelques heures plus tôt n'étaient plus valides, ou n'étaient tout simplement plus envisageables. L'éventail des possibilités s'amincissait, et il ne resta bientôt plus qu'une seule porte de sortie.

ERINIKIS: Un portail géographique.

JIUKURA: Quand avons-nous fait ce genre de chose pour la dernière fois?

ERLENFINDL: C'est justement là que se dresse le danger, et la difficulté de l'entreprise. Tout a été fait dans la théorie, mais n'a jamais été mis en pratique, pour des causes de sécurité.

ERZEN: L'étendue de la puissance du rituel pourrait avoir des effets inattendus sur la surface d'Amtenael.

GARONIOV: Un tel rituel peut être long; mais les ingrédients nécessaires à sa préparation et à son accomplissement ont déjà été amassés, au cours des dernières années.

ERLENFINDL: Il nous manque de puissance, toutefois. Les membres que nous avons perdu durant les dernières années et même les derniers jours font en sorte que nous n'avons plus ce qu'il faut pour concentrer la puissance nécessaire pour une telle entreprise.

ERINIKIS: De plus, le centre ou nous devrions nous placer, pour favoriser nos chances de réussite, est l'ancienne ville d'Avalon, un endroit certes réputé pour les croisements des vents magiques qui y passent... mais également pour cette malédiction qui y a été posée il y a longtemps.

ERLENFINDL: Il n'y a aucun autre endroit ou il serait envisageable de tout faire ceci. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé de faire appel à la personne responsable de la malédiction en Avalon.

Erinikis baissa la tête un instant, regardant ensuite gravement les autres personnes rassemblées, posant finalement son regard sur la femme qui était à table mais qui n'avait dit aucun mot. Les yeux blancs, le sourire mince, les longs cheveux noirs, elle avait attendu ce moment bien longtemps.

ERENIKIS: Jenesta, dernière membre de la confrérie démoniaque, et une des plus anciennes amtenaeliennes à encore se souvenir d'une histoire dont bien peu peuvent se vanter de pouvoir encore relater.

JENESTA: Il est bien aimable, et bien sage de votre part de m'avoir invité à cette réunion. Jamais je ne pensais avoir la chance et l'immense privilège de pouvoir m'asseoir à la table des plus grands mages temporels de cette époque.

Jenesta fit un légère pause, toujours souriante, grande, fière. Elle regarda chacun des membres du plus haut cercle de la confrérie des mages temporels d'un air sûr et ambitieux avant de continuer son discours. Elle semblait deja savoir ou elle allait.

JENESTA: C'est bien à partir de l'ancienne cité d'Avalon que nous allons procéder à ce rituel. L'un des ingrédients nécessaires à ce rituel, le souvenir, sera fourni par les esprits qui hantent toujours l'endroit. La puissance qui vous manque sera également fournie par ces mêmes esprits. Déjà, une partie du problème sera réglée; je lierai les esprits restants dans un endroit dévasté non loin de là.

ERZEN: Tout ceci, évidemment, a un prix; nous sommes curieux de savoir ce qui vous intéresse exactement dans cette histoire.

JENESTA: Si ce monde est détruit, j'y perds autant que vous. De plus, garder tous ces esprits enchaînés demande un entretient régulier dont je désire me défaire. De plus, une fois que Grinn sera parvenu à détruire Avalon, il viendra chercher les membres les plus puissants de ces terres les uns après les autres. Éventuellement, il viendra pour vous... pour moi.

Tous furent convaincus après une discussion autour de la table; il ne restait guère d'autre solution de toute façon. À Avalon, le rituel commença comme les élémentaux menaient toujours une destruction massive aux portes de la cité. Les mages rassemblèrent les ingrédients nécessaires au rituel et les apportèrent dans la cité pendant que la sorcière gardait les esprits voraces loin des mages.

Dans le ciel, d'autres rochers, beaucoup plus massifs que la première fois se mirent à tomber. Ils tombaient à la dérive, tels des titans de roc, créant, au contact avec le sol, de béants cratères sur l'ile. Les villes furent lentement anéanties comme ces rochers tombaient, et malgré leurs talents de concentration énormes, la panique gagnait lentement les mages dont le rituel nécessitait un important temps de préparation. Ils savaient que la puissance qui allait se dégager de leur rituel allait attirer l'attention de toute créature capable de ressentir la magie, et c'est là que le danger réel allait se manifester.

Le moment fatidique approchait, et une tempête se leva au-dessus de la cité en ruines; les forces démoniaques de Grinn, et le maître des Abysses lui-même se tournèrent vers cette force qui ne provenait pas d'eux, mais qui très manifestement allait servir contre eux. Grinn laissa aller un horrible cri de guerre, et se dirigea lui-même à grands pas vers Avalon; des rochers, encore plus gros que les précédents changèrent de trajectoire selon la volonté du démon.

Lorsque les hordes innombrables d'esprits démoniaques furent aux portes de l'ancienne cité impériale, ils s'arrêtent soudainement. Ils prirent panique, regardant autour d'eux, ne sachant trop que faire. Les rochers en direction vers la cité se frappèrent à un mur invisible, un bouclier de force imperceptible, et roulèrent vers les forces démoniaques, déroutées.

Au-dessus de la cité flottait un homme, seul, dont les traits exacts, sérieux, marquaient ses intentions hostiles dirigées vers le maître des Abysses. Ses mains, paumes ouvertes, pointaient vers la cité, désignant bien la contour qui avait arrêté les rochers géants.

JENESTA: Toi... pourquoi toi? Maintenant?

Si je n'avais aucun avantage à tirer de cette situation, je serais déjà loin. Faites votre rituel, mages de pacotilles, avant que je ne laisser tomber mon mur de force et que je ne décide que votre entreprise n'en vaut pas la peine.

Il n'en fallut pas plus pour que même Jenesta se décide à faire accélérer le processus. Les esprits furent sacrifiés par dizaines, et au dernier moment, ou ils se rendirent compte qu'il leur manquerait une quantité de force substantielle, la magie nécessaire leur parvint, de nulle part.

JENESTA: Pour combien de centaines d'années aurons-nous des dettes maintenant? Dis-le moi, Endymion... Qu'est-ce que tu cherches?

Contentes-toi de mon aide sans ronchonner, sorcière. Tu auras ce qui tu cherches en l'extirpant de ces hommes à qui tu n'as pas dit la moitié de ce que tu tirerais de leur propre rituel. Si j'ai décidé qu'en ce moment Avalon n'allait pas mourir, mais revivre, qu'Avalon n'allait pas tomber aux mains de Grinn, c'est que mes raisons sont suffisantes pour moi, pour toi, et pour les mortels qui habitent l'endroit. Profite bien du portail temporel, Jenesta... parce que moi, je ne me gênerai pas.

Jenesta était plus troublée que jamais, et lorsque l'immense et flamboyante lumière qui fut projetée sur Amtenael en entier éclata, Jenesta laissa aller un cri de rage qui, incidemment, sépara l'âme du corps de trois des mages sur place.

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La terre était redevenue calme. Les démons étaient partis, ou du moins partiellement. L'effet principal escompté avait fonctionné. Les terres avaient été restaurées, et la plupart des forces démoniaques également. Une partie d'entre elles était restée, mais le portail vers les abysses était bel et bien fermé.

Les terres d'Amtenael étaient plus belles, soudainement; effectivement, le rituel des mages temporels avait fonctionné; peut-être un peu trop, même. La cité d'Avalon était redevenue telle qu'elle l'avait été durant le règne de l'empereur. L'empereur lui-même était revenu. Ses gardes, et ses croisés. Partout sur Amtenael, l'effet du rituel avait été ressenti.

Les créatures marines d'Atlantis que les Amtenaeliens avaient du pourfendre pour assurer leur survie étaient revenus. Les drakorans d'Avalon, presque éteints, étaient revenus comme auparavant. Les goblins de Krondon avaient soudainement regagné leur nombre d'antan. Des bâtiments vieux de cinq générations avaient été soudainement restaurés, des hommes et des femmes qui n'étaient plus revinrent, d'autres qui y étaient disparurent soudainement. Certaines parties d'Amtenael reculèrent un peu trop dans le temps; des créatures préhistoriques refirent surface à des endroits ou ils étaient a une époque oubliée. Des technologies atlantides oubliées depuis l'époque refirent leur apparition, tels que des crystaux de direction.

Réellement, à partir de ce moment, sur Amtenael, certains se mirent à dire que le temps n'existait plus. La plupart, mystifiés, sortirent dehors après le cataclysme, tentant d'appréhender le nouveau monde qui en fait était partiellement l'ancien...

La menace était écartée pour l'instant, mais il fallait redécouvrir le monde avant de pouvoir utiliser ses nouvelles possibilités. De plus, il restait à savoir si les gens de l'ancien et du nouveau monde pourraient cohabiter. Amtenael, qui n'avait, depuis si longtemps, plus d'autorité, venait de voir un nouvel empereur, dans la cité impériale d'Avalon. Peut-être cela ferait-il une différence.